2.1 Retour sur le métamorphisme régional de moyennes pressions et de moyennes températures : le gradient dalradien. Emergence d’un paradoxe.
Les conditions de ce cas de métamorphisme sont très largement représentées en Europe hercynienne, de l’Ecosse jusqu’au Massif Central. Il sera traité en détail lors d’un entretien ultérieur, consacré au métamorphisme régional du Bas-Limousin. La planche 3 montre les trajectoires dans le plan P-T suivies par les roches tout au long d’un cycle orogénique comme le cycle hercynien, résultant de la collision entre deux plaques continentales. Les trajectoires des roches suivent la progression des géothermes ( ou encore gradients thermiques ), qui décrivent la variation de la température avec la profondeur.
Planche 3
La planche 4 ( chevauchement et sous-charriage ) montre comment les isothermes se déforment au cours des différentes phases de l’orogenèse. Les mécanismes de chevauchement, de sous-charriage et d’équilibrage isostatique donnent la clé d’explication des valeurs du gradient métamorphique, dont l’axe passe toujours à travers les faciès des schistes verts et des amphibolites, ( planche 1 ) quelque soit la séquence de la roche d’origine : pélites, grauwackes, tufs volcaniques ou même granitoïdes…On a vu que cet axe voisine avec le point triple des isomorphes des silicates d’alumine, très abondants dans les paragenèses de ces roches. Les gradients de pression et température moyennes (métamorphisme dalradien ) sont toujours proches des géothermes , y compris dans la partie rétrograde de la trajectoire, marquée par le pic de température.
Planche 4.
Déformation des isothermes par chevauchement, raccourcissement et rééquilibrage isostatique.
Tiré de J.Kornprobst, métamorphisme et roches métamorphiques, signification géodynamique (Dunod)
A l’évidence, ce type de gradient, pourtant très répandu, ne permet pas la mise à jour de roches typiques des hautes pressions. Pourtant nous allons les trouver à l’intérieur de grandes régions occupées par les faciès des schistes verts et des amphibolites, aussi bien en Bas-Limousin que à l’Ile de Groix, au large de Lorient : planche 5.
Planche 5
Quel est donc ce paradoxe ?
2.2 gradient franciscain, gradient rétrograde
Avant d’aborder de front le paradoxe, mettons en place le scénario conduisant à des conditions de hautes pressions. La planche 6 illustre le mécanisme tectonique unique qui conduit à cette situation extrême : c’est la subduction d’une croûte océanique sous une croûte continentale. Elle est caractérisée par une déformation violente des isothermes, entraînés avec la plaque plongeant sous la croûte continentale. L’équilibre thermique par conduction dans les roches n’a pas le temps de s’établir et la pression augmente considérablement avec la profondeur, au delà de 10 Kbar, alors que la plaque enfouie reste relativement « froide » ! Les métabasaltes passent dans le faciès schistes bleus, à glaucophane. Si l’enfouissement continue, la pression augmente encore,et la température finit aussi par atteindre le seuil du faciès des éclogites.
Planche 6
Cependant, pour qu’il y ait une chance de faire apparaître à la surface- exhumer- les faciès à glaucophane et éclogitique, il faut qu’un événement tectonique relativement brutal et rapide interrompe l’enfouissement et détache une écaille de la plaque pour l’intercaler dans des terrains de la croûte continentale en cours d’exhumation : planche 7.
Planche 7
D’après Kornprobst, ouvrage cité.
Les paragenèses observées seront donc celles apparues après décompression-diminution de la pression- et dépassement du point de température maximum : ce sont des conditions de gradient rétrograde.
On voit que d’importantes perturbations dynamothermiques sont nécessaire pour qu’une trajectoire dans l’espace P-T-t ( pression-température-temps ) aboutisse à un gradient franciscain.
Nous allons maintenant examiner sur le terrain comment se présentent les roches métamorphiques issues de ce gradient. La carte de la planche 5 donne les localisations en France des affleurements d’éclogites (faciès HP et HT) et de schistes bleus (faciès HP et BT). Pour la raison invoquée plus haut, illustrée par le modèle d’enfouissement par subduction de plaques océaniques fossiles, les séries métamorphiques attachées au gradient franciscain sont constituées de métabasites, qui apparaissent plutôt comme des anomalies au milieu de régions métamorphiques plus classiques.
Deux cas sont exposés :
Premièrement le cas des éclogites du flanc est de l’anticlinal de Tulle, en Bas-Limousin, anomalies dans un contexte régional dalradien ;
Deuxièmement le cas des glaucophanites de l’Ile de Groix, intercalées dans les schistes et les gneiss du sud de la Bretagne . |