GENESE DES MAGMAS

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Liste des schémas du chapitre "Génèse des Roches Magmatiques" (cliquez dessus pour les afficher)



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GENESE ET EVOLUTION DES MAGMAS.
LA FUSION DES ROCHES

Pour obtenir un magma, il faut faire fondre une roche. Dans quelles conditions cela est-il possible ? La température augmentant en profondeur, on peut s'attendre à ce que le manteau fonde, mais il faut tenir compte de la pression qui s'oppose à l'agitation atomique, et qui constitue un facteur prépondérant dans la fusion des roches. Il est donc nécessaire de connaître l'évolution de la température en fonction de la profondeur, autrement dit de connaître le géotherme


Notion de Géotherme.


La terre posséde une chaleur interne dont l'origine est variée : chaleur de désintégration radioactive, chaleur d'accrétion, chaleur de cristallisation du noyau interne, chaleur due aux frottements des différentes enveloppes terrestres entre elles, chaleur due aux séismes ... Cette chaleur se dissipe à la surface de la terre, et cette dissipation s'exprime par un flux géothermique. Mais il est plus aisé de définir en premier lieu le gradient géothermique : il correspond à l'augmentation de la température en fonction de la profondeur. Pour la partie superficielle du globe cette augmentation est de 3° pour 100 m. Mais elle peut varier notablement selon les régions : dans les boucliers anciens, le gradient géothermique ne dépasse pas 1°/100 m, alors que dans les zones volcaniques et dans les zones orogéniques dans une moindre mesure, il peut dépasser 10°/100 m.



Notion de solidus et de liquidus

Placés dans des conditions de températures et de pressions variables, les matériaux de l'écorce terrestre peuvent se présenter sous 3 états différents : solide, partiellement fondu ou totalement liquide. Les courbes qui séparent ces 3 domaines sont respectivement appelées :

    - la courbe du liquidus : elle sépare le domaine purement liquide du domaine partiellement fondu, c'est-à-dire liquide + cristaux.
    - la courbe du solidus : elle sépare le domaine partiellement fondu du domaine solide.

    Utilisons l'exemple des granites. Prenons un magma granitique, entièrement liquide, à 30 km de profondeur (base de la croûte continentale). Ce magma, moins dense que son environnement, s'élève vers la surface. Cette montée étant très lente (plusieurs millions d'années), le magma perd de sa chaleur qu'il cède à un environnement plus froid : les premiers cristaux, c'est-à-dire ceux qui ont une température de cristallisation élevée, apparaissent lorsque le magma croise son liquidus, ici vers 780°. Le magma qui cristallise voit sa densité s'élever progressivement et sa température diminuer ; donc plus il s'élève, plus il ralentit sa progression. Parvenu à sa température limite, lorsqu'il croise son solidus, il cristallise totalement. Le pluton granitique ainsi obtenu apparaît ensuite quelques dizaines de millions d'années plus tard à la faveur de l'érosion.
    On constate que le liquide est entièrement cristallisé à 5 km de profondeur; il n'apparaîtra en surface qu'à la faveur de érosion ou d'un phénomène tectonique.

    Ainsi, lorsqu'on compare les courbes de fusion et le géotherme moyen, qu'il soit continental ou océanique, on constate que ces courbes ne se recoupent jamais, si les matériaux sont anhydres. Il ne devrait donc jamais y avoir fusion et dans la majorité des zones du globe, il en est bien ainsi. La fusion est donc un phénomène rare et exceptionnel, et il faut forcément que géotherme et solidus se rapprochent pour que la fusion puisse avoir lieu.



Les principaux mécanismes de fusion des roches

La fusion des roches nécessite un écart par rapport aux conditions existant normalement dans les zones internes du globe. Cet écart peut être obtenu de 3 façons différentes : décompression adiabatique, augmentation de la température ou abaissement du point de fusion par apport d'eau.
  • Décompression adiabatique
    Une chute de pression peut engendrer la formation de magmas à condition que la température reste constante. En effet, la pression s'oppose aux mouvements atomiques, mouvements qui sont la règle dans un liquide. Ainsi, dans la majorité des cas, la température du matériel rocheux est supérieure à son point de fusion (à la pression d'une atmosphère) ; mais la pression restant forte, le point de fusion s'élève et le matériel rocheux ne fond pas. A l'aplomb d'une dorsale, la pression chute brusquement, ce qui provoque une baisse du point de fusion et le matériau fond. Le magma, chaud et léger, remonte alors rapidement vers la surface, sans perdre de chaleur (décompression adiabatique), puis il cristallise lorsqu'il se trouve en contact avec l'eau. Sur le diagramme cela revient à remonter verticalement le géotherme.
  • Augmentation de la température
    Dans ce cas, il faut apporter de l'énergie pour que, toutes pressions égales, le matériau puisse fondre. Cet apport d'énergie peut se réaliser de plusieurs façons : désintégration atomique, courants de convection. La première possibilité est liée à la présence d'éléments radioactifs ; or c'est la croûte continentale qui, proportionnellement à son épaisseur, en contient le plus ; c'est donc un mécanisme possible pour l'obtention de magmas granitiques. Mais dans le manteau, les pourcentages d'éléments radioactifs sont beaucoup plus faibles et ils ne peuvent à eux seuls faire fondre le matériel mantellique. Ce sont les courants de convection qui favorisent alors la fusion, car ils permettent à la chaleur terrestre originelle de remonter efficacement vers la surface. Cette chaleur est particulièrement abondante à la limite manteau-noyau (discontinuité de Gutenberg, couche D") ; elle est donc sans aucun doute transportée par l'intermédiaire des courants de convection mantelliques dont on ne sait, à l'heure actuelle, s'il y en a une ou 2 couches. Sur le diagramme, cela revient à déplacer horizontalement le géotherme.

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  • Abaissement du point de fusion des roches
    Jusqu'à maintenant, nous avions agi sur le géotherme, mais nous n'avons jamais parlé d'un déplacement du solidus. Ce mouvement est possible grâce à l'adjonction d'eau. Dans les zones de subduction, la croûte océanique s'enfonce tout en étant fortement hydratée. L'enfoncement étant rapide, la pression augmente très vite, alors que l'augmentation de température présente un certain retard, puisque la chaleur se transmet par conduction. Les minéraux hydratés de la croûte océanique (amphiboles, micas) deviennent instables et se transforment en minéraux anhydres. L'eau est alors expulsée, et provoque une baisse du solidus. Sur le diagramme, cela revient à déplacer le solidus vers la gauche.





La fusion partielle des roches

Lorsqu'on compare les compositions chimiques des roches-mères d'origine mantellique (péridotites) et des roches volcaniques qui en sont issues, on constate qu'elles sont notablement différentes. On ne peut donc invoquer une fusion totale du manteau, qui donnerait dans ce cas une roche de même composition chimique. D'autre part, les basaltes que l'on rencontre à la surface de la terre, sont différents et peuvent être divisés en 4 groupes : les basaltes alcalins, les basaltes calco-alcalins, les tholéiites à olivine et les tholéiites à quartz. Or le manteau a une composition assez homogène ; il existe donc des mécanismes particuliers qui sont à l'origine de la diversité des roches. Deux mécanismes sont importants parmi les 4 ou 5 mécanismes, connus : la fusion partielle et la cristallisation fractionnée.

Lorsqu'un matériau rocheux fond, la fusion n'est que rarement totale. La fusion n'est que partielle, et dépasse rarement 30 %. Il n'en a pas toujours été ainsi, puisqu'au précambrien, la quantité d'énergie disponible était bien plus grande ; il existait tout au début de l'histoire de la terre, de grandes quantités d'isotopes radioactifs à courte période, isotopes qui se sont rapidement désintégrés, fournissant une énergie considérable et qui ont, à l'heure actuelle, pratiquement disparu. Les taux de fusion étaient alors beaucoup plus importants et les roches magmatiques formées avaient des compositions chimiques proches de celles du manteau : ce sont les komatiites. De plus une grande partie de la chaleur d'accrétion était évacuée, et participait ainsi à la fusion des roches.

Aujourd'hui, la fusion est faible et de son taux dépend la composition chimique du magma; on dit que la fusion est incongruente pour exprimer le fait que le liquide obtenu n'a pas la même composition chimique que le solide de départ ; on obtient donc un liquide différent plus un résidu solide. Si le taux de fusion est de 30 %, on obtient un liquide de composition tholéiitique ; si ce taux est faible (5 %), on obtient un liquide de composition alcaline.

Soit une roche de départ contenant un certain pourcentage d'éléments hygromagmatophiles. Faisons lui subir une fusion partielle à des taux différents, en retenant que les éléments hygromagmaphiles passent préférentiellement dans la fraction liquide. Dans le cas d'une fusion faible, cette fraction liquide montre des pourcentages en éléments hygromagmaphiles plus élevés que ceux obtenus pour un taux de fusion plus fort ; ceux-ci sont en effet moins dilués au sein des autres éléments chimiques. Les taux de fusion faibles enrichissent en certains éléments les bains magmatiques auxquels ils donnent naissance, cet enrichissement se matérialisant par des teneurs supérieures à celles du matériau initial, ou à celles des bains issus de taux plus forts.
La figure, purement théorique, nous résume les deux cas principaux de fusion. Si le taux de fusion est élevé, le magma est relativement pauvre en alcalins (0, 15 % de K pour une tholéiite de dorsale) et en alcalino-terreux (rapport Sr faible: 0,703) : c'est un magma tholéiitique. Si le taux de fusion est plus faible, le magma est plus riche en alcalins (1 % de K pour un basalte alcalin) et en alcalino-terreux (rapport Sr plus fort : 0,708) : c'est un magma alcalin.



Ces taux de fusion, variables d'un point à un autre, expliquent en partie comment, à partir d'une roche mantellique, la lherzolite (péridotite), on puisse obtenir une grande variété de roches magmatiques. C'est ce qu'exprime la figure extraite du livre de Caron et al (Éditions Ophrys), modifiée pour faire apparaître le magma basaltique calco-alcalin.




MONTEE DES MAGMAS

Les mécanisme de montée du magma

Un magma, lorsqu'il vient de se former, a une densité toujours plus faible que le solide qui lui a donné naissance. Il se crée alors une « instabilité gravitationnelle », et le magma a tendance à s'élever vers la surface. Néanmoins la pression lithostatique est élevée, et ralentit la montée. Les magmas ne pourront donc s'élever vers la surface que s'il existe des failles en distension. C'est le cas de toutes les grandes zones volcaniques : les dorsales, les rifts continentaux, les zones intraplaques continentales, et paradoxalement les zones de subduction. N'échappent à cette règle que les points chauds océaniques, mais il faut alors remarquer que les quantités de chaleur disponibles sont si importantes que les magmas sont volumineux et les instabilités gravitationnelles grandes.

L'eau et les différents gaz présents dans les magmas peuvent également intervenir dans leur montée, mais ce sont là des mécanismes qui jouent surtout dans les derniers milliers de mètres. Cette montée est lente (plusieurs milions d'années) et, lorsque le magma rencontre une certaine résistance, il stagne dans un chambre magmatique et peut se transformer considérablement.

Enfin, dans les zones plus profondes, asthénosphériques, voire mésosphériques, on a mis en évidence de très nombreux diapirs ou panaches, sortes de « champignons » dont la température est élevée, mais qui restent néanmoins à l'état solide, et qui, à la faveur d'une faiblesse du manteau, montent vers la surface comme le fait un diapir salifère, compressé sur ses bords (bassin aquitain par exemple). Cette montée est là encore due à des variations de densité, mais également à des variations de température (la chaleur s'élève). Elle est le fait de courants de convection qui apportent de la chaleur issue des profondeurs terrestres.



Hybridation

On désigne sous ce terme le mélange de 2 magmas. Ce mélange est-il possible, et si oui, comment peut-on le mettre en évidence ? De prime abord, il semble que 2 magmas très différents ne puissent se mélanger. Un magma granitique ne peut se mélanger avec un magma basaltique, car ils n'ont pas du tout la même composition chimique, pas du tout la même densité, pas du tout la même viscosité, pas du tout la même température et pas du tout la même teneur en eau. Et pourtant certains magmas granitiques, calco-alcalins, ont des caractéristiques intermédiaires entre celles d'un basalte et celles d'un granite. Il est tentant de penser qu'il y a eu mélange entre les deux types de magmas. En revanche il est certain que des réinjections de magma primitif puissent avoir lieu dans une chambre magmatique en cours d'évolution, ce qui aura des conséquences sur les éruptions ultérieures, mais les contrastes étant faibles il est difficile de les mettre en évidence. Cela a été fait dans quelques cas particuliers comme le Mont Dore, mais pas encore d'une façon systématique.

Le problème est délicat, car il faut bien faire la différence entre hybridation et contamination ; cette dernière consiste à une assimilation d'éléments chimiques, voire à un échange. Ces assimilations et échanges s'effectuent entre le magma qui s'élève et l'environnement solide.

Il est donc nécessaire de comprendre également les phénomènes de contamination pour pouvoir juger, et donc de s'adresser à la géochimie des éléments traces et des isotopes qui permet de se faire une idée plus précise de ces questions.



Contamination des magmas

Lorsqu'on recherche les diverses contaminations dont les magmas ont pu faire l'objet, on peut d'abord utiliser l'analyse chimique des éléments majeurs. Ainsi, lorsqu'un magma basaltique stagne dans la croûte continentale granitique, la contamination est d'autant plus importante que le contraste chimique est plus grand, que le temps de stagnation est plus long (vitesse de remontée faible) et que le nombre des chambres magmatiques intermédiaires est plus grand. Dans ce cas, le potassium a tendance à passer dans le magma, et l'alcalinité augmente. Le fer et le magnésium ont tendance à passer dans l'encaissant, donc le magma s'appauvrit en ces 2 éléments.

C'est bien entendu dans le cas des zones de subduction des marges actives (Andes) que la contan-ùnation est la plus importante. La figure montre que la contamination de basaltes tholéiitiques par 25 % de diorite ou de grauwacke est importante en ce qui concerne les éléments tels que K, Sr, Rb, Ba, Th, tous éléments incompatibles. Les fluides interviennent donc très certainement dans le transport de ces éléments de la croûte continentale vers le magma basaltique. Cette teneur en fluide a une double origine : les magmas andésitiques ont une teneur en eau élevée (3 à 5 %) ; les roches granitiques sont également riches en eau (3 %). D'autres types de contamination, par les sédiments par exemple.



CRISTALLISATION DES MAGMAS

Pour comprendre comment un magma cristallise, il faut se rappeler qu'un magma n'est pas un corps pur qui cristallise en une phase unique à une température constante, mais un mélange silicaté complexe dont le refroidissement se marque par l'apparition de phases solides (minéraux) qui cristallisent successivement en se relayant les unes les autres dans un intervalle de température large : c'est la cristallisation fractionnée. Comme il est impossible de faire des observations sur place, on a effectué des essais en laboratoire, avec 2 ou plusieurs constituants. Les diagrammes obtenus portent le nom de diagrammes de phases.


Utilisation des diagrammes de phase
Ils sont très nombreux et bien connus, mais nous avons dû faire un choix pour comprendre l'essentiel de la cristallisation.

Nous avons retenu quelques exemples qui représentent les 3 cas principaux de comportement d'un mélange.

  • Les systèmes binaires quartz-albite et quartz-orthose
    Ces 2 couples se comportant exactement de la même façon, nous n'expliquerons que le premier. Soit un mélange M1 de quartz et d'albite, liquide à haute température. Lorsque la température décroît, le premier cristal à apparaître est un cristal de quartz pur. Au fur et à mesure de la baisse de la température, le liquide de composition M1 s'appauvrit donc en silice: il change de composition et évolue vers le pôle albite. Au point E, les premiers cristaux d'albite apparaissent, en même temps que les cristaux de quartz et ceci tant que le liquide n'a pas complètement cristallisé ce point est appelé point eutectique. Pendant ce temps, la température reste constante. Lorsque la cristallisation est terminée, la température diminue à nouveau.

Bien entendu, ce schéma est valable dans l'autre sens : c'est-à-dire qu'un solide constitué de 2 phases minérales (quartz et albite) fond lorsque la température augmente, en donnant un liquide de composition El. C'est un solide à fusion congruente.

Le système quartz-orthose est identique.




  • Les systèmes binaires albite-anorthite
    Dans le cas du système Ab-An, les courbes du liquidus et du solidus n'ayant pas la même forme que les précédentes, on voit apparaître tous les intermédiaires possibles entre le pôle albite (Na) et le pôle anorthite (Ca). C'est la « solution solide » des plagioclases. Les premiers cristaux à apparaître sont riches en Ca, les derniers sont plus riches en Na. Lorsque la température diminue, il se réalise donc une suite d'états d'équilibre ; en fin de cristallisation, tous les cristaux ont la composition du liquide initial, de nombreux échanges s'étant effectués entre cristaux néoformés et liquide résiduel.
  •  

  • Les systèmes binaires albite-orthose
    Une variante de ce système est le mélange albite-orthose. Dans ce cas des échanges ont également lieu entre solide et liquide résiduel, si bien qu'au point M il se forme un seul minéral et non deux comme dans le cas d'un eutectique ; on parle alors de minimum thermique. Outre la présence d'un liquidus et d'un solidus, il apparait une nouvelle courbe: le solvus. Dans ce cas, entre le point M et le point de démixtion, la solution solide est complète (minéraux rares : anordioses). Mais lorsque la température décroit à nouveau, les 2 composants (albite et orthose) se séparent et l'on obtient un mélange hétérogène : les perthites. Bien entendu le minéral, qui avait déjà cristallisé, garde sa forme et c'est à l'intérieur du minéral que les atomes constitutifs migrent.

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    Si les cristaux restent en équilibre avec le bain, le système évolue jusqu'à obtention d'un solide homogène de composition M ; il existe en effet des phénomènes de diffusion atomique entre le cristal nouvellement formé et le bain résiduel, de sorte que des échanges plus ou moins importants ont lieu entre Na et Ca ; si le temps le permet, les échanges sont complets et on obtient un cristal homogène qui a la composition du liquide de départ ; si le temps est trop court, les échanges sont incomplets et on obtient un plagioclase zoné. Si on extrait du bain les cristaux formés au fur et à mesure de leur cristallisation, on obtient des cristaux tous différents (cas où ils sont protégés du bain par d'autres cristaux).





Utilisation de la géochimie des éléments majeurs
On peut utiliser le diagramme de Harker. La figure met en évidence la cristallisation des minéraux qui s'effectue dans une chambre magmatique basaltique. Lorsque l'olivine cristallise, on constate que les premières olivines formées sont riches en Mg ; le magma s'appauvrit donc en magnésium. Puis lorsque le pyroxène cristallise, le pourcentage de magnésium baisse plus lentement, les pyroxènes étant moins « friands » de magnésium. Cette évolution constitue une cristallisation fractionnée des minéraux.

 

Elle est inversée pour le potassium et le sodium, éléments incompatibles qui restent dans le bain de fusion pour cristalliser en dernier, lorsque le magma sera proche de sa température de cristallisation la plus basse. Le magma, au cours de sa cristallisation, s'enrichit donc en K et Na. La même évolution se produirait si l'on portait en abscisse le pourcentage en MgO et en ordonnée le pourcentage en SiO2 (KD <1).

On peut également comprendre cette cristallisation en analysant le coefficient de partage (KD) des éléments chimiques entre les liquides résiduels successifs et les cristaux en cours de croissance. Par exemple le KD du nickel (élément compatible) entre un liquide basaltique et l'olivine est de l'ordre de 8 de sorte que la concentration en Ni décroit exponentiellement au cours de la cristallisation des olivines. L'inverse se produit dans le cas d'un élément incompatible comme le strontium : dans les premiers moments de la cristallisation, la concentration en Sr augmente relativement dans le magma ; puis, lorsque les plagioclases cristallisent, la concentration en Sr se stabilise, puis diminue, car il est incorporé dans la structure du feldspath.

 

Cristallisation des magmas basaltiques

  • Cristallisation fractionnée

    Le magma basaltique est constitué d'un ensemble de combinaisons chimiques et d'éléments volatils (H20, C02 ... ). Les minéraux n'apparaissent pas tous en même temps et leur cristallisation s'échelonne de 1 200 à 600°. Si les minéraux formés ne réagissent pas avec le bain silicaté, il en apparaît de nouveaux à chaque étape de la cristallisation et les liquides résiduels successifs sont appauvris en éléments constitutifs de ces rminéraux. Cette apparition successive de minéraux s'appelle la cristallisation fractionnée.
    On met en évidence 2 lignées de cristallisation

      - une lignée discontinue: olivine - pyroxène - amphibole - mica
      - une lignée continue: plagioclase Ca-plagioclase Na-feldspath alcalin-quartz.

  • Contrôle de l'ordre de cristallisation
    Cet ordre de cristallisation n'est pas immuable car il est soumis à un certain nombre de facteurs dont les plus importants sont : la composition chimique du magma, la pression, la teneur en eau et la vitesse de refroidissement.
  • Rôle de la composition chimique du magma

Diagramme Diopside-Anorthite-Albite en 3D


Il est illustré par la cristallisation de mélanges expérimentaux ternaires tels ceux du système diopside-albite-anorthite. Prenons un liquide de composition M1 dont la température est élevée. Lorsque ce mélange refroidit, et lorsqu'il atteint le liquidus, le premier minéral à se former est le diopside. La composition du liquide se modifie et tend vers la ligne cotectique (de cocristallisation) El E2. Arrivé au point El, diopside et anorthite cristallisent en même temps. Le liquide s'appauvrit en Ca et dévale la pente le long de la ligne cotectique E1E2. Le plagioclase, en équilibre avec le bain, change de composition (par échanges Ca-Na) et a finalement la composition de la partie plagioclasique du liquide initial. Si l'on prend un liquide de composition M2, proche du premier, mais légèrement enrichi en Ca (anorthite), le premier minéral à se former est l'anorthite, et non le diopside. Le liquide rejoint ensuite la ligne cotectique ElE2 et le diopside cristallise en second. Une faible variation de composition du chimisme est donc intervenue pour modifier l'ordre de cristallisation des minéraux.

Diagramme Diopside-Anorthite-Albite vu en plan

  • Intervention de la pression et de la teneur en eau
    Une augmentation de pression du système anhydre provoque une élévation de la position des courbes de solidus et de liquidus. Les relations d'équilibre entre minéraux s'en trouvent considérablement modifiées. En revanche, une augmentation de cette pression en système hydraté avec eau en excès (PH20 = PTTotale abaisse les courbes de solidus et de liquidus, rendant du même coup la cristallisation plus facile (à des températures plus basses), et favorisant la formation de minéraux hydratés (amphiboles et micas). Dans les zones de subduction par exemple, où la pression de vapeur d'eau est élevée, les amphiboles cristallisent les premières.
  • Contrôle de la composition minéralogique globale
    Quelque soit l'ordre de cristallisation, la composition minéralogique d'une roche dépend de 2 facteurs essentiels : la composition chimique du magma: un magma dépourvu de potassium ne peut donner naissance à des feldspaths potassiques ; de même un magma riche en silice donnera naissance à du quartz: un magma granitique qui contient 75 % de SiO2 donnera de 25 à 30 % de quartz. Elle dépend également de la vitesse de refroidissement qui peut intervenir de 2 façons :
  • - destruction des minéraux précoces qui sont devenus instables dans le bain résiduel de température plus basse ; ainsi l'olivine, premier minéral formé, peut réagir avec la silice du liquide résiduel, et il y a alors formation de pyroxènes. La réaction est la suivante :

    SiO4Mg2 (olivine) + SiO2 (silice) => Si2O6Mg2 (pyroxène).


    De même le pyroxène peut se transformer en amphibole (si le milieu est hydraté) et l'amphibole en micas. Cette cristallisation est donc une succession d'équilibres minéralogiques ou suites réactionnelles. Deux suites réactionnelles sont importantes : la suite discontinue des minéraux ferro-magnésiens et la suite continue des plagioclases.

    - apparition de mélanges eutectiques de basse température de cristallisation, ce qui est le cas de certains granites.

    Ainsi, la cristallisation des magmas n'est plus considéré, à l'heure actuelle comme le phénomène régulier qu'avait mis en évidence Bowen au début du siècle. Elle dépend de nombreux facteurs et en particulier de la composition chimique du liquide initial. Il est bien évident que dans un magma pauvre en silice, il n'y aura pas formation de quartz, mais de plus les réactions nécessitant la présence de silice (transformation olivine-pyroxène) ne pourront avoir lieu, et l'olivine restera stable jusqu'à la fin du refroidissement. De la même façon, certains minéraux ne peuvent apparaître dans le même magma : c'est par exemple le cas du quartz et du feldspathoïde ; le premier est constitué de silice pure, le second est en revanche pauvre en silice ; or un magma ne peut être à la fois riche et pauvre en silice .





Les séries magmatiques

  • Notion de série magmatiques
    Nous avons mis en évidence au cours des chapitres précédents l'intervention de très nombreux facteurs dans la formation, la montée et la cristallisation des magmas : la composition variable de la zone source, le taux de fusion, la possibilité d'hybridation, de contaminations nombreuses, le fractionnement de la cristallisation, et bien entendu la position du magmatisme par rapport aux mouvements des plaques. Tous ces phénomènes sont à l'origine d'un certain nombre de « séries » de roches qui sont définies par 3 grands critères :

      - critère spatial : les roches d'une même série apparaissent toutes dans un espace géographique limité.
      - critère temporel : la distribution des roches se fait dans un temps relativement court (quelques millions d'années) ;
      - critère géologique : il existe entre les diverses roches d'une même série une communauté de caractères minéralogiques et surtout chimiques qui reflètent une évolution régulière.

  • Les grandes séries magmatiques
    On peut ainsi mettre en évidence 5 grandes séries de roches magmatiques qui sont :
1. la série tholéiitique 4. la série alcaline
2. la série calco-alcaline 5. la série shoshonitique
3. la série transitionnelle


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    Chacune de ces séries est caractéristique d'un environnement tectonique particulier, dans les prochains chapitres, nous verrons ces séries ; en attendant voici un aperçu rapide de la position de ces séries dans le cadre de la tectonique des plaques.

      1. La série tholéiitique est typique des zones de divergence (dorsales), mais on la rencontre également dans les zones intraplaques océaniques (points chauds) ou continentales (trapps), dans les zones de subduction (coté fosse), et dans les bassins arrière-arc (zone de subduction, coté externe).

      2. La série calco-alcaline est caractéristique des zones de subduction. On peut ajouter qu'elle constitue un excellent marqueur des zones de subduction anciennes (île de Groix par exemple).

      3. La série transitionnelle se rencontre dans les zones intraplaques continentales et dans les cordillères des marges actives.

      4. La série alcaline est typique des zones intraplaques continentales, mais on la rencontre également dans les océans (cas particulier de certains points chauds Açores ... ) et dans les cordillères des marges actives (Andes).

      5. La série shoshonitique enfin se rencontre dans les cordillères des marges actives, parfois dans les arcs insulaires.

  • Mise en évidence par diagramme

    Il existe de nombreuses façons de mettre en évidence les relations génétiques qui existent entre les roches d'une même série. Les diagrammes les plus utilisés sont les diagrammes de Harker et en particulier le diagramme Na2O + K20 en fonction de SiO2, diagramme sur lequel on peut faire apparaître la classification des roches.


La figure nous montre la position de ces grandes séries dans le diagramme de Harker. Le diagramme de Cox et al., recommandée par les instances internationales, a l'avantage de visualiser directement la suite des roches obtenues dans les 2 grands domaines : le domaine sub-alcalin qui comprend la série tholéiitique, la série calco-alcaline et la série transitionnelle, et le domaine alcalin qui comprend la série alcaline et la série shoshonitique.

Nous avons également utilisé le diagramme AFM pour mettre en évidence ces séries magmatiques. On peut également faire appel à des indices d'évolution dont 2 sont très employés ; il s'agit de :

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    - l'indice de différenciation de Thornton et Tuttle (D.I.) qui varie de 0 à 100 et qui est égal à la somme normative : Quartz + Albite + Orthose (ou Néphéline + Leucite + Albite + Orthose). Cet indice est intéressant car les minéraux retenus apparaissent à des températures faibles ; ils se concentrent donc dans les liquides résiduels ou les liquides de début de fusion.
    - l'indice de solidification de Kuno : S.I. = 100 MgO / MgO Feo + Fe2O3 + Na2O + K-Q. Il représente une simple expression numérique du diagramme AFM.

D'autres diagrammes peuvent également être utilisés pour mettre en évidence tel ou tel caractère particulier ; ainsi la représentation de l'indice d'alcalinité en fonction du pourcentage d'AI203 permet de séparer facilement les basaltes tholéiitiques des basaltes calco-alcalins.

A.I. = (Na2O+K2O)/(SiO2 -43)x 0,17

De même les représentations du pourcentage de K20 en fonction de Na2O, ou du pourcentage de K20 (ou de Na2O) en fonction de SiO2 permettent de n-deux visualiser les séries hyperalcalines, alcalines ou sub-alcalines.



Conclusion : Nous avons ainsi mis en évidence une certain nombre de séries magmatiques, un certain nombre de situations tectoniques majeures, et nous avons vu qu'un certain nombre de facteurs intervenait dans la formation, la montée et la cristallisation des magmas. Il va donc falloir envisager chacune des grandes situations tectoniques pour voir dans chaque cas précis, quelles sont les zones sources concernées, quels sont les mécanismes de diversification des magmas, enfin en un seul mot quelle est l'origine de chaque association magmatique.

 

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