(Février 2010)
Par Alain Guillon, responsable de la Commission de Volcanisme de la SAGA
Le séisme survenu à Haïti le 12 janvier 2010, d’une magnitude d’environ 7 sur l’échelle ouverte de Richter [Mw 7.1 (CSEM), 7.2 (CEA), 7.0 (USGS)], s'est produit à 16 h 53 locales (17 h 53 heure des Antilles françaises, 21 h 53 TU) sur la frontière nord, entre la plaque Caraïbes et la plaque nord-américaine. Tectonique régionale La plaque tectonique Caraïbes est entourée par plusieurs autres plaques qui ont des mouvements relatifs opposés. Ces mouvements, selon que l’on se positionne à l’est ou à l’ouest, ou bien au nord et au sud, ont des effets différents.
Ainsi, à l’est, la plaque nord-américaine (atlantique ouest) subducte sous la plaque Caraïbes à une vitesse de 20 mm par an (Fig. 2.1) ; cette zone de subduction provoque un volcanisme d’arc spécifique, de type calco-alcalin, très riche en gaz. L’arc des Antilles, avec en particulier la Martinique (Montagne Pelée) et la Guadeloupe (Soufrière), mais aussi et surtout l’île de Montserrat en activité éruptive depuis plusieurs années, en est un bon exemple.
Haïti occupe la partie ouest de l'île d'Hispaniola (ou Saint-Domingue), île des Grandes Antilles située entre Porto-Rico et Cuba. Au niveau de l’île d’Hispaniola, le mouvement entre la plaque Caraïbes et nord-américaine est partitionné sur plusieurs failles, dont deux systèmes de failles décrochantes majeures (Fig. 3) : la faille septentrionale au nord d’Haïti (nord de l’île), une faille qui se situe pour l’essentiel en mer, puis se prolonge à terre dans la vallée du Cibao, en République dominicaine, et qui correspond plutôt à un mouvement de subduction (Fig. 2.3), et la faille Enriquillo Plantain-Garden au sud ; elles absorbent chacune environ 7 mm par an de déplacement, soit un peu moins de la moitié du mouvement entre les deux plaques. La localisation du séisme du 12 janvier et le mécanisme à son foyer indiquent une rupture décrochante sénestre sur la faille d'Enriquillo (avec une composante chevauchante mineure), la plaque Caraïbes coulissant vers l'est par rapport à la plaque nord-américaine. Cette faille, de direction E-O, se suit sur environ 300 km depuis le lac d'Enriquillo, en République Dominicaine, jusqu'à l'extrémité O de la presqu'ile de Tiburon, passant à moins de 20 km au sud de Port-au-Prince. À leur front, les plaques se déplacent à la vitesse relative d'environ 20 mm par an, vitesse plutôt lente qui explique la longue durée qui peut séparer deux séismes majeurs. Ce contexte tectonique a déjà provoqué la destruction de Port-au-Prince en 1751 et en 1771, la destruction de Cap-Haïtien en 1842, les séismes de 1887 et 1904 dans le nord du pays avec dégâts majeurs à Port-de-Paix et Cap-Haïtien, le séisme de 1946 dans le nord-est de la République dominicaine, accompagné d’un tsunami dans la région de Nagua. Lors du séisme du 12 janvier, qui s’est produit proche de la surface, à seulement 10-15 km de profondeur, la rupture a affecté un segment de cette faille d'environ 70 km de long, et le glissement cosismique a probablement été compris entre 1 et 2 mètres. Le séisme de magnitude 7 a dû mobiliser entre 50 et 80 kilomètres seulement de la longueur de la faille, probablement sur toute l’épaisseur de la croûte terrestre. Cette faille n'avait pas produit de séismes importants au cours de ces dernières dizaines d'années. Mais elle est probablement la source des séismes historiques de 1751 et 1770. L’ampleur des dégâts est due à plusieurs facteurs : la magnitude (M = 7.0) relativement importante de ce séisme (donc l’énergie libérée), combinée à la proximité de la zone densément peuplée de Port-au-Prince (intensité VII à IX sur l’échelle de Mercalli modifiée, correspondant à des dégâts sévères) et à une grande vulnérabilité du bâti. Depuis l'événement principal de magnitude 7, les réseaux sismologiques ont enregistré de nombreuses répliques (Fig. 4), certaines approchant la magnitude 6. Ces répliques sont localisées sur, ou au voisinage, de la section de faille qui a rompu. Leur nombre et leur magnitude moyenne devraient diminuer progressivement dans les semaines à venir sans que l'on puisse exclure l'occurrence de répliques d'assez forte magnitude, donc susceptible de provoquer encore des dégâts. [Documents consultés : USGS (U.S. Geological Survey), EMCS (Centre Sismologique Euro-méditerranéen), Libération.fr]
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