Sortie du 26 juin 2005
LE VELAY ORIENTAL - VOLCANISME DES BOUTIERES(par Jacques Cabrol)
Notre association, bien que familiarisée depuis longtemps avec les
sites volcaniques de cette région au cours de promenades antérieures faites
sous la conduite de Messieurs Mergoil et Durand, a envisagé de les faire
connaître à ses nouveaux adhérents et de les remémorer aux anciens.
Nous y avons consacré une journée d'été superbe et particulièrement cuisante sous une lumière qui mettait les différents reliefs en valeur.
Le
volcanisme des Boutières.
Le col de
la Croix des Boutières, situé à
Ici les effets de compression
dus aux poussées tangentielles alpines puis de distension ont compartimenté le
socle en éléments de quelques kilomètres carrés au maximum, dénivelés les uns
par rapport aux autres, se matérialisant par des failles visibles ou non. Les
affleurements granitiques à l'Ouest (
C'est à travers ce réseau de multiples fractures que le volcanisme miocène, qui a par ailleurs donné des manifestations plus tardives, a émis des laves de nature basaltique ou phonolitique, se traduisant dans la topographie par des sucs, des dômes ou des éléments de plateaux en inversion de relief attaqués par une érosion intense.
Le volcan polyphasé des
Boutières.
tuf
surtséyen
Plus au SW et sur un anneau plus intérieur, affleurent
des projections du type maar, riches en éléments du socle, que l'on peut interpréter
comme une phase intermédiaire avec appauvrissement de l'alimentation en eau et
abaissement de la profondeur du cratère. Enfin, on peut observer l'intrusion de
larges filons de basalte dans les tufs, et à la
base de
l'amphithéâtre, d'une part des scories soudées
livrant dans les alvéoles des zéolites (la chabazite), et d'autre part des
horizons de basalte sous forme de blocs décamétriques éboulés, ou des lambeaux
en place largement entamés par l'érosion qui a ruiné l'emplacement du cratère. Tous
ces témoins correspondent à une phase strombolienne qui termine le cycle.
Toutes choses égales, cet enchaînement polyphasé correspond à ce qui été
observé près du Puy au volcan de
Les
laves du suc de Chabrières.
Il nous a paru intéressant,
à défaut de se rendre sur place, compte tenu de la difficulté d'accès, de
commenter à partir d'échantillons ramassés in situ au cours d'une sortie
préparatoire à cette promenade et de la vue que l'on en a depuis le chemin
d'exploitation forestier qui monte en écharpe vers le suc de Touron, les
singularités pétrologiques des laves du suc de Chabrières.
Suc de Chabrières
D'après
une étude faite en 1991 par S. Hodges, il s'agit d'un diatrème où nous avons pu
échantillonner parmi les éléments les plus gros ( de 0,50 à
Au
cours de cette prospection, nous avons découvert le long de cette coulée des
fragments de bois carbonisé et des trous de forage d'échantillons faits
probablement par l'équipe de S. Hodges. Ils ont fait par celle-ci l'objet de
datation au
Le suc du Gouléiou.
,
En redescendant par le même
chemin, nous pouvons observer la forme particulièrement pédagogique de cette
intrusion phonolitique, où grâce à la fraîcheur de la forme et à l'absence
pratique d'éboulis, on peut distinguer une zone de décollement de la partie
centrale par rapport aux segments auréolaires.
A
notre avis, une datation de la lave serait intéressante, qui pourrait marquer
une certaine continuité entre la période majeure miocène et la manifestation du
système précédent.
Le suc de Sara.
Une distension est à l'origine de plans
de cisaillement qui s'emplissent de minéraux ferromagnésiens sombres
(aegyrine) : ceci matérialise l'agpaïcité.
Aiguilles
d'aegyrine et cristaux de néphéline Phonolite du Sara
prépondérance des éléments sodiques et potassiques sur les éléments alumineux, conduit à une inversion de l'ordre normal de cristallisation (la néphéline et les plagioclases y cristallisent avant les pyroxènes). Cette particularité, entre autres, la fait entrer dans la catégorie des phonolites agpaïtiques.
Elle a fait également l'objet d'une datation à 6,5 Ma.
Les projections de maar de l'appareil d'Echamps.
En redescendant la
rive gauche de la vallée de l'Eysse, depuis le point où elle coupe le ring-dyke
précédent, par le chemin forestier puis par la route passant au Sud de Borée,
on atteint au delà de Molines, l'emplacement d'une carrière où l'on peut
observer une coupe particulièrement exemplaire dans un affleurement de
projections de maar, cette coupe se présente au centre perpendiculairement au
champ de vitesses des projectiles et sur son bord parallèlement, ce qui permet de
voir d'une part strates et canaux, d'autre part dunes, antidunes et figures
d'impact. On peut également reconnaître, dans la nature des éléments de la
stratification, l'abondance des débris du socle cristallin au sein des lapilli
basaltiques et les changements de granulométrie de couche à couche qui matérialisent le fonctionnement rythmique de ce
type d'éruption.
En
fait on ne voit sur cette coupe que la phase explosive de cet appareil.
Celui-ci a eu une phase strombolienne postérieure dont on aperçoit, au-dessus
de la partie exploitée de la carrière, les matériaux débordés sous forme de scories soudées. Si nous étions
montés jusque sur le plateau, nous aurions pu voir que l'emplacement du cratère
est rempli par un lac de lave basaltique formant une cuvette peu marquée qui
amorce une coulée au Nord vers la vallée de l'Azette. Différents basaltes liés
à cette formation on fait l'objet de datation s'échelonnant entre 6,2 et 4,8
Ma.
Les eaux qui s'infiltrent sur ce plateau dont la
surface atteint 3 à 4 km2 alimentent la source abondante de Molines
dont la régularité est assez remarquable.
Les affleurements morainiques de la Médille.
,
En reprenant la route de Borie à la Croix des Boutières puis la route panoramique sous le versant Est du Mézenc on contourne un vallon se fermant à l'amont par un cirque basaltique de morphologie glaciaire. Un arrêt nous permet d'observer entre les fermes de la Médille et de Vialaret les moutonnements caractéristiques d'un terrain morainique qui témoigne des restes d'un petit appareil glaciaire plus ou moins remobilisé par les eaux du ruisseau, et qui n'est pas sans nous rappeler en réduction les vallées cantaliennes qui rayonnent autour du Puy Mary.
Le paléosol de Praforos.
En
poursuivant vers le Nord et contournant un second vallon, nous nous arrêtons
dans un virage pour observer sous une petite coulée de basalte un paléosol
argileux recuit sur quelques centimètres et en mélange avec de fines
projections à la fois basaltiques et granitiques qui font penser à celles d'un
maar.
Les volcans du Viallard.
A
environ
On peut observer au niveau du contact des échantillons de basalte débités en feuillets pelliculaires par l'altération atmosphérique et recouverts d'une mince couche blanchâtre, de nature à la fois siliceuse et carbonatée, issue des percolations fumerolliennes de la seconde intrusion.
Le maar de Chaudeyrolles devait faire l'objet d'un ultime arrêt pour cette journée bien remplie. Mais la chaleur et la soif nous ont conduits dans un bistrot du village où nous avons pu goûter enfin devant des verres l'ombre et le repos.
Jacques Cabrol
[1] Agpaïcité : ordre de cristallisation inverse de la normale ; pour les roches magmatiques sous saturées à feldspaths alcalins (syénite néphélinique ; phonolite) néphéline et feldspaths alcalins se solidifient en premier, les interstices seront comblés par des ferromagnésiens tels que l'aegyrine (Clinopyroxène). |