Mars 2011
Par Alain Guillon, responsable de la Commission de Volcanisme de la SAGA
Le séisme de la côte Pacifique du Tohoku est un
tremblement de terre d'une magnitude de 8,9, survenu au
large des côtes nord-est de l'île de Honshu, au Japon, le vendredi 11 mars 2011, à 14 h 46 min 23 s heure locale
(5 h 46 min 23 s UTC). L'épicentre se situe à 130 km à l'est de Sendai, chef-lieu de la préfecture de Miyagi, dans la
région de Tohoku, ville située à environ 300 km au nord-est de Tokyo (l'épicentre se trouvant à 373 km de la capitale) ;
la rupture s'est produite à 24,4 km de profondeur. Selon la télévision japonaise NHK, 4 millions de bâtiments auraient
été privés d'électricité.
Le Japon est situé à un point triple tectonique (voir schéma ci-contre), au carrefour de trois grandes plaques. Les plaques pacifique (ouest), eurasiatique (est) et philippine (sud) se chevauchent ainsi les unes les autres dans un assemblage complexe. Le séisme, historique par son ampleur (magnitude 8,9), survenu le 11 mars, est lié à la rupture de la faille qui sépare la plaque pacifique de la plaque eurasiatique. À cet endroit, la première « plonge » par subduction sous la deuxième à une vitesse de 92 mm par an, formant une fosse océanique, appelée « fosse du Japon », d'une profondeur atteignant plus de 10 000 m ! Cette zone pourrait être encore plus complexe que prévu. Dans une étude de 2008 parue dans Nature Geoscience, le géologue Shinji Toda suggère l'existence d'une micro-plaque « posée » sur la plaque philippine juste en-dessous de Tokyo, sous le bassin du Kanto. Celle-ci agirait comme un tampon entre les deux plaques principales et pourrait renforcer le risque sismique. Le dernier grand tremblement de terre survenu au Japon, à Kobe, en 1995, était pour sa part lié au plongement de la plaque philippine sous l'Eurasie, un autre secteur très actif. Il existe encore une troisième zone de subduction dans cette région. Elle est liée au passage de la plaque pacifique sous la plaque philippine. La faille associée n'a pas rompu depuis longtemps… Le raz-de-marée Le séisme du 11 mars a déclenché un raz-de-marée alertant la côte pacifique du Japon et de nombreux autres pays, incluant la Nouvelle-Zélande, l'Australie, la Russie, le Guam, les Philippines, l'Indonésie, la Papouasie- Nouvelle-Guinée, Nauru, Hawaï, les îles Mariannes du Nord (États-Unis) et Taïwan. Il a formé une vague de plus de 10 m de haut. La télévision de Kyodo rapporte qu'un tsunami de 4 m de haut frappe la préfecture d'Iwate au Japon. Une immense vague de 10 m de haut a été observée à l'aéroport de Sendai dans la préfecture de Miyagi, inondant totalement les bâtiments et emportant camions et voitures dans les environs. L'alerte au tsunami a été lancée dans une grande partie du Pacifique jusqu'aux côtes chiliennes, ainsi qu'à la Terre de Feu. À 9 h 28 du matin (heure locale), le National Weather Service américain évoque une alerte au tsunami jusqu'à 19 h (heure locale) sur tout Hawaï. Un système d'alerte aux raz de marée perfectionné a été mis en place et amélioré au fil des années, avec des capteurs avancés en haute mer. Il doit signaler les régions menacées, via la télévision et la radio notamment, dans un délai ne dépassant par les quatre minutes après un séisme. Mais le phénomène reste encore difficilement prévisible avec exactitude. Pour tenter de protéger des rivages, des millions d'arbres ont aussi été plantés et des digues de 10 à 20 m de hauteur élevées à des endroits sensibles. Malgré cela, le raz-de-marée a dévasté les ports et tout l'arrière-pays de la région de Sendai.
En quelques heures, le CEA est parvenu à créer une simulation montrant de minute en minute l'onde du tsunami en train de se propager depuis les côtes japonaises, à une vitesse de 800 km/h, en haute mer. Les relevés effectués pour l'instant au large des côtes japonaises confirment cette modélisation. Le Japon, pays en pointe sur la prévention du risque sismique Depuis le séisme meurtrier de Kobe, en 1995, le pays a pris conscience de l'urgence et la nécessité de mettre en place des dispositifs anti-sismiques. Le Japon, situé à la jonction de quatre plaques tectoniques, subit 20 % des séismes les plus violents enregistrés dans le monde. On estime que le pays subit une secousse toutes les 5 minutes. Il est donc le premier pays à avoir enregistré la parasismologie au registre des recherches scientifiques du pays, dès l'ère Meiji (1868-1912). Malgré cette récurrence des secousses, ce n'est qu'après le violent séisme de Kobe que le Japon a mis en place des systèmes de protection anti-sismique et des plans de prévention. D'autant que, dans les régions du Tokai et de Tokyo, les experts et la population s'attendent depuis de nombreuses années au « Big One », un tremblement de terre aussi important que celui qui a touché le pays en 1923, faisant plus de 140 000 victimes. Depuis près de cinquante ans, le gouvernement nippon a mis en place un programme d'exercices de prévention. Entraînés dès l'enfance, les Japonais savent qu'ils doivent couper le gaz et se précipiter sous une table dès les premières secousses. Au cas où ils se retrouveraient prisonniers des décombres, indique-t-elle, on prévoit des kits de survie pour tenir jusqu'à l'arrivée des secours, et les écoliers disposent d'un casque de protection dans leur casier. D'autre part, le 1er septembre 2009, près de 800 000 personnes à travers le pays, dont le Premier ministre, ont participé au grand exercice annuel et national de prévention, à la date anniversaire du grand tremblement de terre de 1923. Régulièrement, des camions de simulation sismique sont mêmes installés dans la rue dans le but de sensibiliser la population aux effets des tremblements de terre. Modification planétaire Le tremblement de terre de magnitude 8,9 qui a frappé le Japon a été si puissant qu'il a modifié la planète. Au Chili, aussi ! Le séisme de magnitude 8,8 qui a eu lieu, le 27 février dernier, au large des côtes chiliennes a aussi déplacé l'axe de rotation de la Terre et raccourci la durée du jour. Ainsi, d'après les calculs d'un chercheur de la Nasa, Richard Gross, assisté d'une batterie d'ordinateurs et de modèles informatiques de pointe, l'axe de rotation de la Terre aurait bougé de 8 cm, entraînant un raccourcissement de la durée du jour de… 1,26 microseconde, soit 1,26 millionième de seconde ! Et si les séismes ont eu ces conséquences, ce n'est pas parce qu'ils ont secoué l'axe de rotation de la Terre, mais parce qu'ils ont légèrement changé la répartition verticale interne de la masse terrestre. Ce n'est d'ailleurs pas le seul élément qui peut jouer avec l'axe de la Terre et sa vitesse de rotation : la Lune, les courants océaniques, les marées, les courants atmosphériques, les mouvements tectoniques de surface et ceux de l'intérieur du globe, avec son noyau et son manteau semi-liquide, influent eux aussi. Tous ces éléments combinés ont d'ailleurs une influence mille fois plus forte que les séismes puisqu'ils conduisent à des variations de… une milliseconde. Échelle de Richter ou « échelle de moment » ? L'échelle utilisée aux États-Unis est l'« échelle du moment » et non pas l'échelle de Richter que nous utilisons en Europe. Cette échelle mesure l'énergie dégagée par un tremblement de terre, alors que l'échelle de Richter, elle, est basée sur les ondes de volume émises. Le résultat des mesures entre les deux échelles ne présente cependant pas de grandes différences. Sur l'échelle ouverte de magnitude du moment, un séisme atteignant une magnitude d'au moins 6 est considéré comme fort. Le séisme qui s'est produit au Japon est l'un des plus importants de ces dernières décennies, le plus fort jamais enregistré au Japon et le 5e plus puissant depuis le début du XXe siècle. Il correspond à une magnitude de 8,8 sur l'échelle de moment. Pour comparaison, sur l'échelle de moment, le séisme de 2004, qui a entraîné la mort de 270 000 personnes en Asie du Sud-Est, atteignait une magnitude de 9,1, et celui d'Haïti responsable de plus de 250 000 décè, en 2010, avait une puissance établie à 7. (Origine des informations : Le Figaro, JapanOnLine, Le Télégramme, CEA (Défense), TF1, CATNAT, |